Personnalités Difficiles – Mode d’Emploi
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Jiddu Krishnamurti – La totalité du temps se situe dans le présent.
Je ne sais vraiment pas pourquoi vous applaudissez. Avez-vous jamais essayé d’applaudir d’une main ? Faites le s’il vous plaît à partir d’aujourd’hui. Ceci n’est pas une conférence sur un quelconque sujet, selon certaines disciplines scientifiques ou philosophiques. Les conférences ont pour but d’informer sur un sujet particulier ou d’instruire. Mais nous n’allons pas faire cela. Il ne s’agit pas ici d’une conférence. Ce n’est pas davantage une sorte de divertissement. Spécialement dans ce pays, où l’on est très habitué à être diverti, amusé; à éveiller ses sensations. Au lieu de cela, tout au long de ces causeries, aujourd’hui et demain matin, nous allons parler ensemble, tenir une conversation à propos de toute notre existence de notre naissance à notre mort.
Pendant cette durée de quelque 50, 90 ans ou 100 années, nous traversons toutes sortes de problèmes et de difficultés. Nous avons des problèmes économiques, sociaux, religieux; des problèmes de relations personnelles, des problèmes d’accomplissement individuel; voulant découvrir ses racines où qu’elles se trouvent. Et nous avons d’innombrables blessures, psychologiques, peurs, plaisirs, sensations. Et il y a énormément de peurs chez tous les êtres humains; énormément d’anxiété, d’incertitude ainsi que la recherche de plaisir. Et tous les êtres humains qui vivent sur cette belle terre, souffrent, éprouvent beaucoup de douleur, de solitude. Nous allons parler de cela ensemble. Et quelle est la place de la religion dans la vie moderne? Nous allons aussi parler ensemble de la question de la mort; de ce qu’est un esprit religieux de ce qu’est la méditation; et s’il existe quoi que ce soit au-delà de toute pensée, s’il y a quelque chose de sacré dans la vie, ou si tout est matière, ce qui fait que nous menons une vie matérialiste. Nous allons parler ensemble de tous ces problèmes cet après-midi et demain matin.
Donc, comme nous l’avons dit, ceci n’est pas une conférence. C’est une conversation entre vous et l’orateur. Une conversation qui n’implique aucune conversion, ni propagande, ni introduction de nouvelles théories, idées ou absurdités exotiques. Si vous le voulez bien, nous allons parler ensemble de nos problèmes comme le feraient deux amis qui pourtant ne se connaissent pas, nous allons parler, discuter, avoir une conversation. Ce qui importe bien plus qu’assister à une conférence, qu’à se faire dicter ses actes, ses croyances, la foi qu’il faut avoir, etc. Au contraire, nous allons observer de façon dépassionnée, impersonnelle, sans être ancré à un quelconque problème ou à une quelconque théorie, mais nous allons regarder ensemble ce que l’humanité a fait au monde et ce que nous nous sommes fait les uns aux autres.
Ceci n’est donc pas un divertissement, un voyage romantique ou sentimental. C’est non seulement intellectuellement important car cela fait partie de notre existence, mais il faut examiner tous ces problèmes, ces milliers de questions qui se présentent à l’humanité, non à partir d’un certain point de vue, d’une certaine croyance ou foi, mais plutôt les explorer ensemble, chercher ensemble. L’orateur n’essaye pas de se livrer à une quelconque propagande, ce serait trop terrible. Ni de convertir qui que ce soit à une certaine ligne d’idée. Ni à une certaine croyance. Nous allons donc entreprendre ensemble un voyage très long et très complexe. Il vous incombe donc, ainsi qu’à l’orateur, de marcher ensemble, de chercher ensemble; d’examiner le monde que nous avons créé. La société dans laquelle nous vivons est construite par l’homme, économiquement, socialement, les riches et les pauvres etc…
La société dans laquelle nous vivons. Chacun d’entre nous y a contribué. Et, si vous le voulez bien, et il semble que ce soit le cas parce que vous êtes ici et je le suis aussi, pour entreprendre ce voyage long et compliqué, car la vie est très complexe. Et nous aimons examiner la complexité et devenons de plus en plus compliqués. Mais nous ne regardons jamais quelque chose avec simplicité. Avec nos cerveaux, nos coeurs, de tout notre être. Alors, entreprenons le voyage ensemble. L’orateur exprime peut-être en paroles ce qui est en train de se passer : objectivement, clairement, de façon totalement dépassionnée.
L’humanité existe sur cette terre depuis peut-être un million ou 50000 ans. Nous existons sur cette terre depuis bien des millénaires. Et pendant ce long lapse de temps, l’humanité a souffert, confronté le plaisir, la solitude, le désespoir, l’incertitude, la confusion, de multiples choix d’où de multiples complexités; et il y a eu des guerres. Non seulement des guerres sanglantes, physiques, mais aussi psychologiques. Et l’humanité s’est demandé si la paix peut exister sur la terre – pacem in terris – l’équivalent latin de paix sur la terre. Et il semble que cela n’ait pas été possible. Une quarantaine de guerres sévissent en ce moment sur terre. A caractère idéologique, théorique, économique ou social. Et pendant les périodes historiques, peut-être depuis 5 ou 6 mille ans, il y a eu des guerres pratiquement chaque année. Et nous nous préparons en ce moment même à des guerres. Une idéologie, celle des communistes, le monde tyrannique et brutal de la Russie et le monde soit disant démocratique de l’Occident. Deux idéologies sont en guerre l’une contre l’autre. De quels instruments il faudrait se servir, le contrôle des armements et tout le reste. La guerre semble être le lot commun de l’humanité. Et l’on voit aussi les armes s’accumuler partout dans le monde; du tout petit Etat ou de la tribu, à la société hautement sophistiquée et nantie qu’est la vôtre. Et comment peut-on avoir la paix sur la terre ? Est-ce du tout possible ?
Et nous l’avons aussi dit, il n’y a pas de paix sur terre, mais seulement au ciel. Et tout ceci se répète de différentes façons, que ce soit en Orient, en Inde ou ici. Les chrétiens ont tué plus que quiconque sur terre. Donc nous observons, sans prendre parti, ce sont là des faits, des réalités. Et il y a ces religions: le christianisme, le monde islamique, les fondamentalistes. Ainsi que l’hindouisme et le bouddhisme. Et les diverses sectes que comporte l’organisation chrétienne et aussi en Inde et en Asie, où l’on croit en Bouddha, le bouddhisme n’a pas de dieu; quelqu’un a calculé que dans l’hindouisme il y a environ 300,000 dieux. C’est assez amusant, vous pouvez choisir le dieu que vous voulez. Et, tant dans le christianisme que dans l’Islam il n’y a qu’un seul dieu, se fondant sur deux livres, la Bible et le Coran. Ainsi, les religions ont divisé l’homme. De même, le nationalisme – une sorte de tribalisme glorifié – a divisé l’homme. Le nationalisme, le patriotisme, l’ardeur religieuse, les fondamentalistes, tant en Inde, qu’ici et en Europe font marche arrière, pour faire revivre leur religion. Je me demande si vous avez jamais examiné l’expression “faire revivre”. On ne peut faire revivre que ce qui est mort ou mourant. On ne peut faire revivre une chose vivante.
Et dans ce pays-ci ils font revivre la religion. Et ils en font de même dans différentes parties du monde. Et il y a la division entre les nationalités, la religion, l’économie et ainsi de suite… et l’homme a toujours été en conflit, de même que chacun en ce monde passe par toutes sortes de malheurs, toutes sortes de souffrances: douleur, de solitude désespérée. Et nous aspirons à échapper à tout cela. Mais nous allons examiner ensemble, observer ce phénomène extraordinaire: ce que l’homme a fait après tant de millénaires, il demeure un barbare : cruel, vulgaire, plein d’anxiété et de haine. Et la violence augmente dans le monde. On demande donc: la paix peut-elle exister sur cette terre ? Car à défaut de paix, d’abord intérieurement, psychologiquement, le cerveau ne peut s’épanouir, les êtres humains ne peuvent vivre de façon totalement holistique.
Alors, pourquoi au terme de cette longue évolution – pendant laquelle nous avons accumulé énormément d’expérience, de savoir, d’informations, pourquoi nous autres être humains sommes perpetuellement en conflit? C’est là la vraie question. Car en l’absence de conflit la paix règne naturellement. Et l’homme – et à mon sens ceci inclut la femme, il n’est pas question pour moi d’exclure la femme. Ne vous énervez pas à ce propos, je vous en prie. (Rires) S’il nous est permis, ne vous fâchez pas, ne soyez pas irrité à propos de ce que nous cherchons ensemble. Il vous incombe de chercher, non seulement intellectuellement, verbalement mais avec votre coeur, votre cerveau, avec tout votre être. Afin de trouver la raison pour laquelle nous sommes ce que nous sommes. Nous avons essayé diverses religions, divers systèmes économiques, des systèmes sociaux différents; et pourtant, nous vivons dans le conflit. Ce conflit en chacun de nous peut-il prendre fin? Complètement, et non partiellement, pas occasionnellement. C’est là une question très sérieuse. Elle exige une réponse sérieuse. Il ne s’agit pas de savoir si c’est possible ou pas, mais de chercher très profondément la raison pour laquelle les êtres humains y compris vous-mêmes, et peut-être l’orateur, vivent en conflit perpétuel, en proie aux problèmes, aux divisions. Pourquoi avons-nous divisé le monde en nationalités, en groupes religieux, avec leur comportement social et tout le reste. Pouvons-nous cet après-midi voir sérieusement, s’il est possible de mettre fin au conflit. D’abord psychologiquement, intérieurement, car s’il existe une certaine qualité de liberté intérieure, nous produirons alors une société ne comportant aucun conflit. Il nous incombe donc en tant qu’êtres humains, en tant que soit-disantes individualités, d’appliquer sérieusement nos cerveaux, notre énergie, notre passion, à la découverte par soi-mêmes, et non selon un quelconque philosophe, selon un quelconque psychiatre, etc. mais de rechercher, d’observer, de découvrir par soi même si ce conflit entre deux être humains, intimes ou non, peut prendre fin.
Qu’est-ce que le conflit? Pourquoi avons-nous vécu dans le conflit ? Pourquoi avons-nous des problèmes ? Qu’est-ce qu’un problème ? S’il vous plaît, penchez-vous avec l’orateur sur cette question: qu’est-ce qu’un problème? La signification étymologique de ce mot est “quelque chose qui vous est lancé”. Un problème est un défi, une chose à laquelle vous devez répondre.
Mais, si vous commencez à vous plonger dans toute la nature d’un problème, si vous commencez à vous pencher sur toute la nature d’un problème, que celui-ci soit de nature très intime ou mondiale, comme nous l’avons dit la signification de ce mot étymologiquement est quelque chose qui vous est propulsé, lancé.
A propos de problèmes, je me demande si vous avez remarqué, que quand vous êtes enfant, vous êtes envoyé à l’école. Là, vous êtes confronté au problème de l’écriture, au problème des mathématiques, au problème de l’histoire, de la science, de la chimie, etc. Donc, depuis l’enfance nous sommes entraînés à avoir des problèmes. Un peu de patience s’il vous plaît. Regardez cela attentivement. Ainsi notre cerveau est conditionné, entraîné, éduqué à avoir des problèmes. Observez cela par vous-même. Et je vous prie ne vous contentez pas d’écouter l’orateur. Ensemble, nous étudions, approfondissons les problèmes qui vous assaillent. Donc, depuis l’enfance, nous sommes entraînés, éduqués, conditionnés à avoir des problèmes: et quand de nouveaux problèmes surgissent, ce qui est inévitable, étant déjà plein de problèmes notre cerveau cherche à en résoudre un autre, augmentant par là le nombre de problèmes; c’est ce qui a lieu dans le monde. Les politiciens, partout dans le monde, augmentent le nombre de problèmes. Et ils n’ont trouvé aucune réponse. Alors est-il possible – écoutez s’il vous plaît – est-il possible d’avoir un cerveau libre de problème afin de pouvoir résoudre des problèmes. Pas un cerveau encombré, plein de problèmes. Est-ce possible?
D’ailleurs, si vous dites que ce n’est pas possible ou que c’est possible, vous avez cessé de chercher. Ce qui importe dans cette recherche, c’est d’avoir énormément de doute, de scepticisme. Sans jamais rien admettre d’après les apparences ou d’après le plaisir ou la gratification que vous en retireriez. La vie est bien trop sérieuse.
Nous devrions donc étudier non seulement la nature du conflit, des problèmes, mais encore – et ce pourrait être bien plus important ou que vous alliez dans le monde, chaque être humain sur cette terre, chaque être humain, qu’il vive en Russie, en Chine, en Asie, en Inde, en Europe ou ici, passe par des souffrances de toutes sortes. Des milliers, des millions ont versé des larmes, ou ri occasionnellement. Chaque être humain sur cette terre a éprouvé une grande solitude, le désespoir, l’anxiété, la confusion, l’incertitude – comme vous-même. Chaque être humain, qu’il soit noir, blanc, pourpre ou ce que vous voudrez. Et psychologiquement c’est un fait, une réalité; non une invention de l’orateur. C’est observable, vous pouvez sur cette terre le voir sur chaque visage. Et ainsi, psychologiquement, vous êtes le restant de l’humanité. Vous pouvez être grand ou petit de taille, blanc, noir, ou de toute autre couleur, psychologiquement vous êtes l’humanité.
Comprenez cela s’il vous plaît – non pas intellectuellement ou idéologiquement ou par hypothèse – il s’agit de faits réels, d’une réalité brûlante à savoir que psychologiquement vous êtes le restant de l’humanité. Par conséquent, psychologiquement vous n’êtes pas des individus. Bien que des religions – excepté peut-être partiellement l’hindouisme et le bouddhisme – ont encouragé le sens d’un développement individuel, sauvant des âmes individuelles et tout cela, mais en fait, dans votre conscience, cette conscience n’est pas la vôtre. Elle est celle du restant de l’humanité. Car nous passons tous par la même meule, le même conflit sans fin et ainsi de suite. Quand on prend conscience de cela, non pas de façon émotionnelle, pas en tant que concept intellectuel mais comme quelque chose de réel, de vrai, alors vous ne tuerez pas un autre être humain. Vous ne tuerez jamais autrui, que ce soit verbalement, ou intellectuellement, idéologiquement ou physiquement, parce qu’alors vous vous tuez vous-même. Mais, l’individualité a été prônée partout dans le monde. Chacun luttant pour lui-même: son accomplissement, ses réalisations, poursuivant ses désirs, et créant le chaos dans le monde.
Appliquez vous à bien comprendre cela. Nous ne disons pas que chaque individu est important, au contraire. Si vous vous souciez de la paix globale, pas seulement de votre propre petite paix d’arrière cour – les nations sont devenues l’arrière cour. Si vous vous sentez réellement concernés, comme doivent l’être la plupart des gens sérieux, par le fait que vous êtes le restant de l’humanité, cela confère une grande responsabilité. Il nous faut revenir en arrière afin de découvrir par nous-mêmes pourquoi les êtres humains ont réduit le monde à ce qu’il est aujourd’hui. Quelle est la cause de tout ceci ? Pourquoi avons-nous fait un tel gâchis de tout ce que nous touchons tant dans nos rapports individuels, entre hommes et femmes, entre chacun de nous? Pourquoi y a-t-il conflit entre les dieux: votre dieu et celui d’un autre? Nous devons donc chercher ensemble s’il est possible de mettre fin au conflit. Autrement, nous n’aurons jamais de paix dans ce monde.
Bien avant la chrétienté ils parlaient de la paix sur la terre. Bien avant la chrétienté, dans l’hindouisme, ils adoraient les arbres, les pierres, les animaux, la nature, l’éclair, le soleil; auparavant il n’y avait jamais eu aucun sentiment de dieu parce que la terre était considérée comme la mère qu’il fallait adorer conservée, préservée, épargnée et non détruite comme nous le faisons maintenant.
Cherchons donc ensemble – je vous en prie, je dis bien ensemble, ce n’est pas à moi de chercher et à vous d’écouter, approuvant ou pas du bout des doigts. Pourrions-nous cet après-midi écarter toute idée d’approuver ou de désapprouver? Le ferez-vous? De sorte que vous et moi puissions regarder les choses telles qu’elles sont et non telles que nous les pensons; non votre idée ou concept de ce qui est, mais simplement regarder la chose… La regarder même non verbalement, si c’est possible. Cela c’est bien plus difficile. (Soupir)
Tout d’abord, ceci est effectivement le monde dans lequel nous vivons. On ne peut s’en échapper en recourant aux monastères, aux expériences religieuses (et il faut douter des expérience). L’homme a fait tout son possible pour fuir la réalité de la vie quotidienne, avec toute ses complexités. Pourquoi y a-t-il conflit dans la relation, entre l’homme et la femme: une division sexuelle, sensorielle. Et, dans cette curieuse relation, l’homme poursuit sa propre ambition, sa propre avidité, ses propres désirs, son propre accomplissement et la femme en fait de même. Je ne sais si vous avez remarqué tout cela en vous-même. Il y a donc deux être ambitieux, menés par leurs désirs et ainsi de suite, deux parallèles qui ne se rencontrent jamais, sauf peut-être sexuellement. Alors comment peut-il exister une relation entre deux personnes quand chacune d’elle poursuit ses propres désirs, ambitions, cupidités?
Dans cette relation, du fait de cette division, il n’y a pas d’amour. Accrochez-vous bien à vos sièges. Ce mot “amour” est pollué, outragé, dégradé; il est devenu simplement sensuel, relié au plaisir. L’amour n’est pas le plaisir. L’amour n’est pas une construction de la pensée, il n’est pas dépendant de la sensation, nous parlerons de cela un peu plus tard. Alors, comment peut-il exister une relation juste et vraie entre deux personnes quand chacune d’elle ne voit que sa propre importance. L’intérêt pour soi est le commencement de la corruption, de la destruction qu’il se situe chez un politicien ou chez le religieux, etc.; l’intérêt pour soi domine le monde, d’où le conflit.
Là où il y a dualité, séparation, en tant que Grec et Musulman, Juif et Arabe, en tant que chrétien qui croit en un sauveur et l’Hindou qui ne croit pas en tout cela, il y a cette division: division nationale, division religieuse, divisions individuelles, là où il y a division, il y a inévitablement conflit. C’est une loi. Ainsi, nous menons notre vie quotidienne au sein d’un petit moi limité. Il ne s’agit du moi supérieur. Le moi est toujours limité et c’est la cause du conflit. C’est là le noeud central de notre lutte, douleur, anxiété, et tout le reste.
Si l’on en prend conscience, comme devrait le faire la plupart des gens naturellement, non du fait qu’on vous a dit de le faire ou que vous avez lu, lu un livre de philosophie ou de psychologie, mais parce que c’est une réalité. Chacun se préoccupe de lui-même. Il vit dans un monde séparé, tourné vers lui-même. Et par conséquent il y a division entre vous et un autre entre vous et votre religion, entre vous et votre dieu, entre vous et vos idéologies. Alors est-il possible de comprendre – pas intellectuellement, mais profondément – que vous êtes le restant de l’humanité. Que vous fassiez le bien ou le mal, cela affecte le restant de l’humanité, car vous êtes l’humanité.
Votre conscience n’est pas à vous. Votre conscience est constituée de son contenu. Sans le contenu il n’y a pas de conscience. Votre conscience, comme celle du restant de l’humanité, est faite de croyances, de peurs, de foi, de dieux, d’ambitions personnelles et tout le reste, de peurs et tout cela; toute votre conscience est constituée de tout cela, rassemblé par la pensée. Nous espérons que nous avons entrepris le voyage ensemble. Qu’ensemble nous marchons sur la même route, que vous n’êtes pas en train d’écouter une série d’idées. Nous ne poursuivons pas des idées ou des idéologies, mais confrontons la réalité. Parce que c’est dans la réalité et dans sa transcendance que se trouve la vérité. Et quand vous la découvrez, quand la vérité est présente, c’est la chose la plus dangereuse qui soit. La vérité est très dangereuse parce qu’elle engendre en soi une révolution.
UNE INTERVENANTE : pardon, serait-il possible d’augmenter le volume ?
Je vous en prie – pardon, pardon – excusez-moi – excusez l’orateur s’il ne répond pas aux questions. Parce qu’alors cela nous distrait.
Vous savez, il est bon de poser des questions. Et à qui posez-vous la question? La posez-vous à l’orateur? Cela veut dire que vous attendez de lui une réponse. Vous dépendez alors de l’orateur. Vous installez alors des gourous. Avez-vous jamais réfléchi à la question: pourquoi posons-nous des questions? Non qu’il ne faille pas le faire, mais nous cherchons. Supposons que vous posiez une question à l’orateur et qu’il y réponde: ou bien vous l’acceptez ou la rejetez. Si elle vous satisfait, selon votre conditionnement ou votre arrière plan, vous dites alors “oui, je suis d’accord avec vous, entièrement”. Ou si vous n’êtes pas d’accord vous dites “quelle absurdité”. Mais si vous commencez à étudier la question elle-même, la réponse est-elle distincte de la question? Ou la réponse reposerait-elle dans la question elle-même ? Le parfum d’une fleur est la fleur. La fleur est elle-même l’essence de ce parfum. Mais nous dépendons tant des autres, afin d’être aidés, encouragés à résoudre nos problèmes; créant donc à partir de notre confusion l’autorité , les gourous, les prêtres. Alors, je vous en prie, il est bon de poser des questions. Je ne sais si vous avez approfondi cela. Vous savez, nous avons perdu l’art de la recherche, de la discussion: sans prendre partie, mais en regardant la chose. C’est très complexe, peut-être n’est-ce pas ici l’occasion d’aborder tout cela.
Nous devrions également voir pourquoi, depuis l’enfance sommes-nous blessés psychologiquement. Nous sommes, pour la plupart, blessés psychologiquement, il faut en être conscient, sinon il en résulte beaucoup de problèmes. Pendant l’enfance, la blessure due à une réprimande, une parole brutale, violente, nous voilà blessé. Quand vous dites “nous sommes blessés” qui est blessé ? Est-ce l’image que vous vous êtes faite de vous-même qui est blessée, le psychisme? Je vous en prie, l’orateur n’a lu aucun des livres de psychologie ou de philosophie, ou de religions, il cherche simplement avec vous. Le psychisme est le “moi” – et le moi est l’image que j’ai construite de moi-même, il n’y a rien de spirituel là-dedans (spirituel, voilà encore un mot plutôt laid). Cette image est blessée et nous portons cette image tout au long de notre vie. Si une image n’est pas agréable, nous en construisons une nouvelle, agréable, nous l’encourageons, elle est valable, signifiante, elle donne un sens intellectuel à notre vie. Tel est le monde que nous avons engendré à travers l’image que l’on s’est construite.
Est-il possible de vivre en ce monde sans la moindre image, de qui que ce soit y compris de dieu, pour autant qu’une telle entité existe, aucune image de votre femme, de vos enfants, de votre mari, etc. N’avoir aucune image. Il est alors possible de ne jamais être blessé. Egalement, comme notre temps est limité, car nous n’avons que cette demi causerie l’après-midi et demain matin nous devrions voir attentivement s’il est possible d’être libéré de la peur. C’est là une question réellement importante qu’il faut poser. Non que je vous la pose, mais que vous la posiez à vous-même. A savoir: est-il possible, vivant dans une société moderne avec toute la brutalité, l’énorme violence, qui augmente encore, existe-t-il une liberté à l’égard de la peur? Ce qui diffère complètement de l’analyse. Il s’agit d’observer simplement, sans aucune déformation: d’observer cette salle, par exemple de voir combien elle a de niveaux (trois ou quatre) d’observer les vêtements de votre voisin, son visage, sa manière de parler, d’observer seulement, sans critiquer, sans évaluer, sans juger, mais d’observer un arbre; d’observer la lune, et les eaux vives couler. Quand vous observez de la sorte, vous vous demandez alors, qu’est-ce – je reviendrai dans un instant sur la peur – qu’est-ce que la beauté?
On parle beaucoup de beauté dans les magazines: comment être beau, votre visage, vos cheveux, votre mine et tout le reste. Qu’est-ce alors que la beauté? La beauté réside-t-elle dans l’image, dans le tableau, dans une étrange structure moderne? La beauté réside-t-elle dans un poème? La beauté réside-t-elle seulement dans le visage et le corps physiques? Vous êtes-vous jamais posé cette question? Si vous êtes un artiste, un poète, ou une personne littéraire, vous pouvez décrire quelque chose de très beau, peindre une très belle chose, écrire un poème qui remue le fond de votre être. Qu’est-ce donc que la beauté? Parce que, étymologiquement, dans le mot “liberté” – dans ce mot il y a amour. Le mot “liberté” a une étymologie identique à celle du mot amour. Quel rapport y a-t-il entre l’amour et la beauté? Nous parlerons peut-être de l’amour plus tard; qu’est-ce que la beauté? Réside-t-elle dans l’oeil de celui qui la perçoit?
N’avez-vous jamais remarqué, donnez un joli jouet, un jouet compliqué à un enfant – il est vilain, il crie, il joue, et quand vous lui donnez un jouet, celui-ci l’absorbe complètement et toute son espièglerie cesse, sa méchanceté, si vous me permettez ce mot parce qu’il est absorbé. Le fait d’être absorbé par un poème, un visage, une image, d’y être absorbé ou d’y être attiré, cette absorption est-elle la beauté ? Quand vous regardez une merveilleuse montagne coiffée de neiges éternelles, le contour qu’elle dessine sur le ciel bleu pendant un instant l’immensité de cette montagne éloigne le “moi” avec tous mes problèmes, toute mon anxiété; la majesté de ces grands rochers, la beauté de ces vallées, de ces ruisseaux; je vois qu’à cet instant le “moi” n’est pas. Ainsi, la montagne a éloigné le “moi”, comme le jouet a tranquillisé l’enfant. Donc cette montagne, ce ruisseau, la profondeur des vallées bleues dissipent pendant un instant tous vos problèmes, vos vanités, vos anxiétés. Et vous dites alors: “comme c’est beau”. Donc la beauté existe-t-elle sans que l’on soit absorbé par une chose extérieure? C’est-à-dire, la beauté existe-t-elle par elle-même, ou n’existe-t-elle qu’en l’absence du “moi”? Comprenez-vous cela?
Ne vous endormez pas, s’il vous plaît. (rires) Peut-être avez-vous eu un bon déjeuner, j’espère que c’est le cas, mais ce n’est pas ici le lieu où dormir. C’est votre problème, votre vie, et non celle de l’orateur, c’est votre vie: c’est de vos vanités, de vos désespoirs, de vos souffrances, que nous parlons. Alors, restez éveillés encore un quart d’heure, ou vingt à trente minutes si cela vous intéresse.
Donc la beauté est là quand le “moi” n’est pas. Et cela demande une profonde méditation, une grande recherche, un énorme sens de discipline. Le mot “discipline” signifie le disciple qui apprend du maître. Apprendre, et non discipliner, se conformer, imiter, s’adapter. Apprendre amène sa propre immense discipline. Et, ce sens intérieur d’austérité, de discipline est nécessaire. Il nous faut donc étudier ensemble la peur. Quelle heure est-il Monsieur? Pouvons-nous poursuivre? Vous n’êtes pas fatigués?
Qu’est-ce que la peur? Encore une fois, l’humanité a supporté la peur. Elle n’a jamais été capable de la résoudre. Jamais. Il y a diverses formes de peurs; vous pouvez avoir votre propre forme de peur: peur de la mort, peur des dieux, peur de votre femme, peur de votre mari, peur des politiciens, dieu sait combien de peurs affligent l’humanité, du diable, et ainsi de suite. Qu’est-ce que la peur? Pas simplement de l’expérience de la peur sous ses multiples formes, mais de la réalité, du fait réel de la peur. Comment naît-elle? Pourquoi l’homme, la femme, pourquoi l’humanité, pourquoi chacun de nous a-t-il accepté la peur comme mode de vie? Comme vous acceptez la violence comme mode de vie; la violence à la télévision, la violence de la guerre, la violence de votre vie quotidienne. Pourquoi acceptons-nous la violence? La violence ultime est de se livrer à la tuerie organisée appelée la guerre.
La peur n’est-elle pas liée à la violence? Il s’agit donc d’étudier la peur, la réalité de la peur et non l’idée de la peur – vous comprenez la différence ? L’idée de la peur est différente de la réalité de la peur – n’est-ce pas ? Alors qu’est-ce que la peur? Comment est-elle née?
Quel rapport y a-t-il entre la peur et le temps, la pensée? La peur – on peut avoir peur de demain, ou de nombreux demains; peur de la mort, la peur ultime; peur de ce qui a eu lieu avant, dans le passé; peur de ce qui a lieu effectivement en ce moment. Il faut donc chercher ensemble – l’orateur le répète continuellement, ensemble; autrement, il n’est pas amusant de parler tout seul. La peur est-elle engendrée par le temps? Quelqu’un vous a fait quelque chose dans le passé, vous a blessé, et le passé est le temps. Le futur est le temps. Le présent est le temps. Alors nous demandons : le temps est-il un facteur central de la peur ? La peur a de nombreuses branches, de nombreuses feuilles, mais il ne sert à rien de tailler les branches; nous demandons quelle est la racine de la peur? Non de ses multiples formes, parce que la peur est la peur. Vous avez inventé les dieux à partir de la peur, les sauveurs. Si vous n’avez absolument aucune peur psychologique, c’est alors un immense soulagement, un grand sens de liberté. Vous avez laissé tomber tous les fardeaux de la vie. Nous devons donc nous pencher avec beaucoup de sérieux, attentivement, avec hésitation, sur la question suivante: le temps est-il un facteur? C’est évident. J’ai en ce moment un bon emploi, je puis le perdre demain, j’ai peur. Je puis être marié et j’ai peur. Quand la peur règne, il y a jalousie, anxiété, haine, violence. Donc, le temps est un facteur de la peur. Ecoutez, écoutez jusqu’à la fin, ne dites pas comment puis-je arrêter le temps, là n’est pas le problème. C’est une question plutôt absurde.
Le temps est un facteur et la pensée est un facteur: penser à ce qui s’est passé, à ce qui pourrait se passer; penser. Penser est-il un facteur de la peur? La pensée a-t-elle engendré la peur? Comme on peut le voir le temps a engendré la peur, n’est-ce pas? Le temps. Non seulement le temps de l’horloge, mais le temps psychologique, le temps intérieur: je vais être; je ne suis pas bon, mais je vais l’être. Je vais me débarrasser de ma violence, là encore c’est le futur. Ou j’ai été violent, mais je ne le serai plus. Tout cela implique le temps.
Nous devrions chercher ce qu’est le temps. Y êtes-vous préparés? Vous voulez que nous abordions tout cela? Vraiment ? Cela me surprend. (rires) Parce que vous avez tous été instruits, vous avez tous été informés, on vous a tous dit ce qu’il faut faire, les psychologues, les prêtres, vos leaders; toujours en quête d’aide, trouvant de nouvelles pistes dans ce sens. Donc on est devenu esclave d’autrui. Nous ne sommes jamais libres de chercher, de se tenir complètement seul psychologiquement.
Nous allons donc chercher ce qu’est le temps. Qu’est-ce que le temps? Mis à part l’horloge, le lever et le coucher du soleil, la beauté d’un lever et d’un coucher de soleil, mis à part la lumière et l’obscurité, qu’est-ce que le temps? Je vous prie, si l’on comprend vraiment ceci, la nature du temps intérieurement, .on découvrira par soi-même un sens extraordinaire d’absence totale de temps. Nous allons y venir. Le temps est le passé, n’est-ce pas?
Le temps est le futur, et le temps est le présent. Tout ce cycle est le temps. Le passé – votre arrière plan, ce à quoi vous avez pensé, ce que vous avez vécu, vos expériences, votre conditionnement en tant que chrétien, hindou, bouddhiste, et tout le reste, ou avez-vous écarté toute cette absurdité et dit: je vais vivre de cette façon là, c’est à dire le passé. Donc le passé est le présent. N’est-ce pas? Sans le passé vous ne seriez pas ici: votre arrière plan, votre conditionnement, votre cerveau qui a été programmé en tant que chrétien, hindou, bouddhiste, et tout le reste. Nous avons été programmés pendant deux mille ans. Et les Hindous pendant trois ou cinq mille ans. Comme un ordinateur, ils répètent, répètent, répètent. Donc le passé est le présent; ce que vous êtes maintenant résulte du passé. Et le futur se situe demain, ou dans des milliers de demains. Donc le futur est ce que vous êtes maintenant. N’est-ce pas? Vous avez compris ? Je ne dois pas poser cette question, car cela vous regarde.
Donc le futur est maintenant. Tout temps est contenu dans le maintenant. Cela aussi est un fait, une réalité, pas une théorie. Ce que vous êtes résulte du passé et ce que vous serez demain est ce que vous êtes maintenant. Si je suis violent maintenant, je serai violent demain.
Donc demain est dans le maintenant, le présent, à moins qu’une mutation radicale, fondamentale se produise en moi. Autrement, je serai ce que j’étais. Ainsi, nous avons eu une longue évolution, évoluant, évoluant, évoluant. Et nous avons évolué vers ce que nous sommes maintenant. Et si vous poursuivez ce jeu, demain vous serez violent, barbare. Donc comme le maintenant inclut tout le temps- c’est un fait, une réalité – peut-il y avoir une mutation totale maintenant – dans tout notre comportement, notre façon de vivre, de penser, de ressentir? Sans être un Américain, un Hindou ou un Bouddhiste, sans rien de tout cela. Parce que si vous n’amenez pas une mutation radicale, psychologiquement, vous serez alors exactement ce que vous avez été dans le passé. Existe-t-il donc la moindre possibilité d’amener cette mutation psychologique?
Vous savez, quand toute votre vie vous vous êtes dirigé vers le nord, dans une direction particulière ou dans aucune direction, errant deci dela, comme la plupart des gens, si vous allez vers le nord et quelqu’un vient vers vous et vous dit avec le plus grans sérieux – et vous l’écoutez sérieusement, sans vous contenter d’une écoute auditive, mais en entendant aussi en profondeur, quand vous l’entendez dire que votre cheminement vers le nord ne conduit nulle part, qu’il ne mène à rien; allez plutôt vers l’est, l’ouest ou vers le sud. Et vous écoutez et dites: je vais le faire. Dès l’instant où vous le dites, où vous avez pris un virage, une mutation a lieu. L’orateur essaie d’exprimer cela très simplement. Mais c’est un problème très complexe, c’est-à-dire: qu’il faut se rendre compte en profondeur que l’on a suivi ce chemin siècle après siècle et que rien n’a changé. Nous sommes toujours violents, brutaux, et tout le reste. Si l’on perçoit vraiment cela, effectivement, pas intellectuellement, verbalement mais profondément, alors on se tourne vers une autre direction. A cet instant se produit une mutation dans les cellules cérébrales elles-mêmes.
Car l’orateur a discuté de ces sujets avec des neurologues. Bien sûr, ils ne sont pas pleinement d’accord, mais ils en admettent une partie. C’est toujours un jeu, voyez-vous. Nous traitons la vie comme une jeu: partiellement juste, et partiellement faux; partiellement correct, peut-être avez-vous raison, mais peut-être pas. Mais nous ne nous demandons jamais quelle est la façon juste de vivre, l’art de vivre, le plus grand de tous les arts, au monde, est l’art de vivre. Quelle heure est-il ?
Intervenant : 3 h 57.
Krishnamurti: Ai-je parlé une heure?
Intervenant : un peu plus d’une heure.
Krishnamurti: Pouvez-vous le supporter?
L’AUDITOIRE : (rires) oui.
Krishnamurti: Nous allons finir cette question, puis nous nous retrouverons demain. Si vous êtes d’accord, je ne vous invite pas, cela vous regarde. (Rires)
Nous avons dit que le temps est important parce que nous vivons dans le temps, mais nous ne vivons pas le temps comme un tout, c’est-à-dire le présent. Le présent contient tout le temps: le futur et le passé. Si je suis violent aujourd’hui, je serai violent demain. Et, puis-je mettre fin à cette violence aujourd’hui, totalement, pas partiellement. Cela peut se faire. Nous allons le voir. En outre, la peur est-elle engendrée par la pensée?
Bien sûr qu’elle l’est. Ne prenez pas l’orateur au mot, regardez la chose. Je suis ceci et j’ai peur de demain, de ce qui pourrait arriver. Je suis en sécurité aujourd’hui, et la guerre pourrait se déclarer, il pourrait se passer ceci ou cela, il pourrait y avoir des catastrophes, j’ai peur. Donc le temps et la pensée sont à la racine de la peur.
Alors qu’est-ce que penser? Comprenez-vous ma question? Si le temps et la pensée sont à la racine de la peur – ce qu’ils sont en fait – qu’est-ce que penser? Pourquoi vivons-nous, agissons-nous, faisons-nous toutes choses sur la base de la pensée? Les merveilleuses cathédrales en Europe, la beauté, la structure, l’architecture: tout cela a été construit par la pensée. Toutes les religions avec leurs ornements, leurs robes leurs vêtements médiévaux, sont des produits de la pensée. Tous les rituels sont conçus, arrangés par la pensée. Et notre relation mutuelle, entre l’homme et la femme, cette relation est basée sur la pensée. Quand vous conduisez une voiture, c’est basé sur la pensée. Reconnaître, et tout cela, c’est de la pensée. Il faut donc chercher, si vous n’êtes pas trop fatigués – et nous nous arrêterons après cela – qu’est-ce que la pensée ? Il est probable que personne ne s’est posé cette question. Très peu de gens le font. Cela fait soixante ans que nous posons cette question. Qu’est-ce que la pensée? Car si vous pouvez découvrir quelle en est l’origine, le commencement, pourquoi la pensée a pris une importance si extraordinaire dans notre vie, cette recherche même pourrait alors engendrer une mutation. Nous demandons donc qu’est-ce que la pensée, qu’est-ce que penser? N’attendez pas que j’y réponde. Regardez, observez la chose.
Penser est le mot; le mot est important, le son du mot, la qualité du mot; la profondeur, la beauté d’un mot. Particulièrement le son. Je ne vais pas aborder la question du son et du silence, nous en parlerons peut-être demain. Penser fait partie de la mémoire, n’est-ce pas? Cherchez avec l’orateur, je vous prie, ne restez pas assis là confortablement, ou inconfortablement. Penser fait partie de la mémoire, n’est-ce pas? Si vous n’aviez aucune mémoire, seriez-vous capables de penser? Non. Notre cerveau est l’outil de la mémoire: mémoire des choses qui ont eu lieu, l’expérience, et ainsi de suite, tout l’arrière plan de la mémoire. La mémoire émane du savoir, de l’expérience, n’est-ce pas ? Il y a donc expérience, savoir, mémoire, la réponse de la mémoire étant la pensée. Tout ce processus d’expérimentation, de remémoration, de rétention, devient notre savoir. L’expérience est toujours limitée, naturellement. Parce que – c’est une question compliquée, car – oh seigneur, tout est compliqué. (Rires)
L’expérience est-elle différente de l’expérimentateur? Appliquez-y vos cerveaux, afin de découvrir. Sans expérimentateur, y a-t-il une expérience? Bien sûr que non. Donc, l’expérience et l’expérimentateur sont une seule et même chose. Comme pour l’observateur et l’observé, le penseur n’est pas séparé de ses pensées. Le penseur est la pensée.
Donc l’expérience est limitée, comme cela s’observe dans le monde scientifique ou ailleurs. Ils en ajoutent de plus en plus chaque jour, à leur savoir par l’expérience, par l’expérimentation sur les animaux et toute cette horreur qui se poursuit. Et ce savoir est limité parce qu’ils y ajoutent toujours. Donc la mémoire est limitée. Et partant de cette mémoire la pensée est limitée. Donc la pensée étant limitée, elle génère inévitablement le conflit. Voyez en simplement le schéma. N’admettez pas ce que dit l’orateur, ce serait absurde. Il n’est pas une autorité, il n’est pas un gourou, dieu merci. Mais tâchons d’observe ensemble ce fait que la pensée et le temps sont à la racine de la peur.
Le temps et la pensée sont identiques, ce ne sont pas deux mouvements distincts. Quand vous voyez ce fait, cette réalité, que le temps et la pensée sont à la racine de la peur – le temps/pensée – il suffit de l’observer en soi-même, sans s’écarter de la réalité, de la vérité de la chose, à savoir que la peur est causée par le temps et la pensée; il s’agit de retenir cela, de rester avec, sans s’en échapper, sans le rationaliser, il en est ainsi. Alors, c’est comme tenir dans sa main un joyau précieux. Vous voyez toute la beauté de ce joyau. Vous verrez alors par vous-même que la peur cesse complètement psychologiquement. Et quand il n’y a pas de peur, vous êtes libre. Et quand cette liberté totale est là, vous n’avez plus de dieux, de rituels, vous êtes un homme libre. Nous poursuivrons demain si cela ne vous fait rien. (Applaudissements)
J’ignore pourquoi vous applaudissez. (Rires) Peut-être vous applaudissez-vous vous-même. (Rires et applaudissements) Vous n’encouragez, ni ne découragez l’orateur. Il n’attend rien de vous. Quand vous mêmes devenez à la fois l’instructeur et le disciple, le disciple étant celui qui apprend, apprend, apprend, sans accumuler de savoir, vous êtes alors un être humain extraordinaire. Pouvons-nous maintenant nous lever? (Rires)
Première Causeries Publiques à Washington D.C.
Samedi 20 Avril 1985